L'Europe
S'abstenir aux élections européennes, nuit gravement à notre avenir
Le 26 mai, je vote aux élections européennes.

L'Europe des Territoires

POUR UNE EUROPE DES TERRITOIRES

Conseil National sur l'Europe
Motion adoptée | Paris, le 25 novembre 2018

 
POUR UNE EUROPE DES TERRITOIRES

 
L’Union européenne est passée en quelques années d’une grave crise financière qu’elle a su affronter à une grave crise économique et politique qu’elle peine à surmonter. La croissance des nationalistes en Hongrie, Pologne et Italie de même que l’essor général de partis prônant le repli sur les frontières nationales, menacent les valeurs civilisationnelles fondées sur la paix et la démocratie sur lesquelles s’est construite et organisée l’Europe.

L’aggravation des menaces venues d’extérieur (terrorisme international, radicalité islamique, conflits régionaux et sous-développement accroissant les divers types de pressions migratoires…), ou encore l’apparition de déséquilibres géopolitiques nouveaux (remise en cause du multilatéralisme, y compris dans le domaine de la sécurité collective par le Président américain, politique interventionniste de la Russie en Europe ou au Proche Orient, offensives hégémoniques de la Chine pour acquérir nos potentiels économiques et consolider ses capacités technologiques…) sont autant de sources d’inquiétude pour les citoyens européens.

Le Président de la République s’est érigé en défenseur du projet européen et il a bien fait. Il n’y a rien à négocier sur nos valeurs démocratiques et humanistes. Pour autant, Emmanuel Macron n’offre pas de réponse claire et concrète aux questions posées par un grand nombre de nos concitoyens, en particulier sur l’immigration et l’identité européenne.

Le moment n’est plus à vouloir fonder les États-Unis d’Europe. Nous le souhaiterions mais nous sommes réalistes. Rien ne pourra évoluer en ce domaine tant que l’Europe, dans sa forme actuelle, ne prouvera pas davantage sa capacité à faire face aux problèmes quotidiens vécus ou ressentis par les citoyens Européens. Il est temps que l’Europe soit en quelque sorte moins « naïve », plus pragmatique, plus efficace et surtout plus réactive afin d’apporter des réponses concrètes à ces problèmes.

Ce constat amène notre mouvement engagé depuis toujours dans la défense du projet européen et réuni ce dimanche 25 novembre 2018 en Conseil National, à mettre l’accent, en vue de ce nouveau scrutin, sur trois priorités : L’Europe ferme qui protège, l’Europe - Puissance, l’Europe des Territoires et de la Solidarité.

1 - POUR UNE EUROPE FERME QUI PROTEGE

Le premier domaine dans lequel l’Union européenne doit se montrer ferme est la protection des peuples au quotidien. L’immigration clandestine et illégale mine les sociétés européennes. Alors, comment répondre- en même temps - à l’origine des crises humanitaires, qui fait qu’au 21ème siècle, l’on meure encore en traversant la Méditerranée et à la nécessaire protection de nos frontières face aux défis d’aujourd’hui et de demain ?

L’Union européenne doit mieux maîtriser ses flux migratoires. Cela doit nécessairement passer par le renforcement du contrôle communautaire de ses frontières en donnant plus de moyens juridique et financier à Frontex, en harmonisant les conditions du droit d’asile des 27 pays européens et en instaurant le principe des quotas de filières professionnelles pour les migrants économiques, qui pourrait être voté et réévalué chaque année par les parlements nationaux puis validé par le Parlement européen.

Nous portons l’idée d’une politique migratoire choisie avec la création d’une Agence européenne de l’asile qui assurera le dialogue avec les États concernés. Il faut améliorer notre politique d’insertion des migrants, mais aussi mieux encadrer le retour des déboutés avec les pays de départ.

Mais la réponse structurelle aux questions de migration doit passer, avant tout, par une aide au développement de l’Afrique à travers une politique de croissance partagée Euro-Africaine aussi ambitieuse que l’a été le plan Marshall au sortir de la guerre. Aide à l’éducation et notamment à la formation, développement énergétique à l’image du plan Borloo, préservation des ressources en eau, amélioration des soins de santé figurent parmi les priorités d’action de cette aide. Ce partenariat pourrait être initié à partir d’une Union pour la Méditerranée « élargie » à l’ensemble du continent africain. Cela coûtera toujours moins cher à terme que l’immigration massive vers laquelle nous nous dirigeons tout droit dans quelques décennies.

La réponse européenne au besoin de protection passera également par la lutte contre le terrorisme (renforcer l'agence de renseignements européenne, instaurer une carte européenne biométrique) et par le renforcement de la cybersécurité.
Alors que les futurs conflits se joueront demain - pour beaucoup - dans l’espace cybernétique, l’Europe doit agir avec célérité et pérennité, pour garantir sa souveraineté numérique et pour se protéger des attaques dont elle fait régulièrement face depuis le milieu des années 2000. Ainsi, pour ne pas être dépendant d'une «  extra-territorialité »  numérique que nous impose l’ultra domination financière et technologique, aujourd'hui outre-atlantique, demain chinoise, l’Europe doit consolider sa base industrielle, technologique et de recherche dans le domaine numérique. Le renforcement de la cybersécurité impose ainsi autant la mise en exergue d’outils innovants visant à la protection individuelle que le renforcement et l’accélération des projets en cours avec certains de nos partenaires européens dans le domaine de la cyber-guerre et de la protection collective (à l’instar du projet italien de surveillance par ballon - European High Atmosphère Airship ; ou encore du Joint European Electronic Warfare). Dès lors, pour ne pas subir, le « tsunami technologique » à venir, l’Europe doit investir aujourd’hui pour maitriser son destin numérique, afin de ne pas le subir…

Par ailleurs une politique économique ambitieuse et réellement pro-européenne devra lutter contre le dumping social, mieux encadrer la prise de contrôle d’entreprises stratégiques par d’autres puissances et revoir le dispositif et la mise en œuvre de la politique de concurrence qui empêche l’émergence de champions européens. Elle doit notamment se fonder sur l’idée d’un patriotisme économique européen. Sur les 18 000 milliards de PIB globaux européens, une partie doit être fléchée « de manière incitative » vers l’achat de production « Made in Europe ».

2 - POUR UNE EUROPE-PUISSANCE

L‘Europe doit aussi se définir comme une vraie puissance. Créée pour faire la paix, la puissance n’est pas dans son ADN mais cela doit le devenir dans un monde devenu extrêmement instable.

L’Europe de la Défense sera intergouvernementale pour l’essentiel. Croire dans la possibilité d’une Europe de la Défense au niveau de l’Union européenne est illusoire à court terme. L’armée européenne n’a pas de sens tant que les politiques étrangères des Etats relèvent de la compétence nationale. Nous devons repenser une nouvelle architecture de sécurité européenne complémentaire des objectifs et des stratégies de l’OTAN qui doit intégrer les nouvelles organisations intergouvernementales émergentes en Asie, dans le Pacifique ou dans l’Océan Indien. L’Initiative européenne d’Intervention (IEI) qui vise à coordonner et mutualiser les capacités militaires de huit pays « volontaires » doit désormais permettre concrètement à l’Europe de gagner en autonomie, en capacité d’action et de résilience des forces armées européennes dans notre voisinage. Car c’est là que l’arc de crise nous oblige à investir dans notre défense, de manière collective et pérenne, avant tout entre citoyens européens.

L’Europe doit reprendre le leadership de la recherche scientifique. Pour bâtir l’Europe 4.0, elle doit investir dans l’économie digitale à l’aune de la révolution numérique et technologique qui s’annonce. A cet effet, le projet Horizon Europe, qui prévoit une enveloppe budgétaire de 100 milliards d’euros (2021-2027) devrait permettre l’émergence - tant attendue - des projets fédérateurs de l’Europe de demain (ITER - énergie née de la fusion) : Copernicus (surveillance des évolutions planétaires, notamment en matière d’impact environnemental), Galileo (système de géolocalisation et de surveillance de la terre), projet européen de recherche JEDI – Joint European Disruptive Initiative (autour des avions, tanks, canons de demain…). Cette enveloppe budgétaire de 100 milliards d’euros doit également permettre de renforcer des programmes de recherche et d’innovation en associant nos champions européens privés avec la puissance publique et en permettant l’émergence de grands pôles universitaires européens.

Il convient de compléter ces projets par un véritable plan structurel autour de l’Intelligence Artificielle et les technologies liées à la physique quantique afin que les avancées en matière de recherche et développement que tous nos partenaires reconnaissent à l’Europe ne soient pas pillées.

Car l’Europe doit rapidement prendre en main son destin numérique ; en régulant son propre écosystème par une meilleure répartition de la valeur au profit des acteurs européens, aux moyens d’une régulation fiscale plus juste et de règles de concurrence équitables. Ce nouveau cadre doit s’accompagner d’une redéfinition du rôle des acteurs notamment en ce qui concerne la responsabilisation des hébergeurs et la protection des données. Sur le plan international, l’Union européenne doit se doter des moyens nécessaires pour peser davantage dans les instances mondiales de régulation et de certification du Net et imposer ses normes pour favoriser ses entreprises et contenir l’ingérence de puissances étrangères. Appuyée par une vraie stratégie industrielle offensive, maîtrisée et ambitieuse, et la création d'un certificat européen pour les objets connectés l’Union européenne cessera ainsi d’être une colonie du monde numérique face aux GAFAM et BATX et pourra recouvrer sa souveraineté. L’émergence de nouveaux champions industriels européens (à l’instar d’Airbus) recourant dans la mesure du possible à des partenariats public-privé (PPP) et en valorisant le droit civil européen, permettra à l’Europe de s’amender de l’extraterritorialité (monnaie, défense et technologie)

Promouvoir le rôle de monnaie de réserve de l'Euro capable de limiter l'influence commerciale du Dollar et par voie de conséquence l'impact des sanctions extraterritoriales appliquées par les États-Unis (cf. crise iranienne) reste à ce titre une de nos priorités. Au plan intérieur, tout en reconnaissant le rôle positif joué par la Banque centrale européenne, doter la zone Euro d'une gouvernance économique renforcée passant par une coordination des politiques budgétaires et une accélération des mesures de convergence fiscale, devient une nécessité. Elle devra très vite se doter d'un budget significatif destiné à accroître les actions favorisant la compétitivité de nos économies et à réduire les disparités de développement des pays qui en sont membres.

Être une puissance aujourd’hui, c’est aussi savoir placer 27 pays en position de répondre concrètement à des problématiques capitales et immédiates comme celle du changement climatique. Il est indispensable aussi bien en termes de valeurs que de protection d’inscrire l’action de l’Europe du 21ème siècle dans la prise en compte de l’adaptation de nos modes de vie, de nos modèles économiques, de la gouvernance face aux transitions écologiques et aux révolutions technologiques en cours. Un nouveau programme pour l’environnement à l’ambition de 2030 devra est lancé.

Pour cela, l’Union européenne devra flécher clairement l’investissement dans la transition vers des économies bas-carbone et inclusives mais aussi prioriser la recherche et le développement de solutions pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures, notamment dans les domaines clés des transports aérien, maritime et de la construction. L’investissement vert européen devra inclure la biologie, la chimie verte, la restauration des écosystèmes et exclure tout soutien aux projets non durables. La création d’un poste de Commissaire européen à l’impact climatique et à la biodiversité aura pour mission transversale de valider l’engagement de l’ensemble des programmes européens dans la transition écologique. L’UE devra se doter d’une diplomatie européenne technique et scientifique fondée sur la nécessaire mise en œuvre des résultats de la COP21 et faire ratifier la DDHu (Déclaration Universelle des Droits de l’Humanité) par les États membres pour accélérer la justice climatique.

Une finance verte, une fiscalité environnementale européenne, un budget énergétique commun pour les États membres partageant les mêmes intérêts dans la conception et la mise en œuvre de leur mix énergétique et développant des stratégies communes, un investissement significatif dans l’économie circulaire et de fonctionnalité figurent parmi les grands axes de notre stratégie écologique européenne.

 

3 - POUR UNE EUROPE DES TERRITOIRES ET DE LA SOLIDARITE

L’Union européenne a déjà beaucoup fait dans les décennies passées pour la cohésion des territoires en redistribuant les contributions des Etats aux Régions qui en avaient le plus besoin leur permettant ainsi de favoriser leur croissance et de réduire les écarts de richesse entre elles

La priorité absolue doit être placée aujourd’hui sur la réduction des nombreuses fractures dont souffrent dans toute l’Europe les territoires ruraux et semi-urbains. Les fonds européens doivent être mieux orientés notamment vers des projets régionaux essentiels d’infrastructures, de sécurité, de formation, de santé et de bien-être social.

Pour cela les Régions doivent avoir un rôle de coordination de l’ensemble des aides affectées à leurs territoires pour assurer une meilleure cohérence dans la réduction de ces fractures.

L’Europe fondée sur le grand marché de l’union monétaire a été un facteur de progrès et de stabilité dans nos territoires, mais cette construction et son fonctionnement ne sont pas sans de graves insuffisances. Il faut mieux protéger nos acteurs économiques territoriaux en simplifiant les normes européennes et les règles qui concernent tous les travailleurs détachés de l’Union en imposant le principe de l’application des politiques salariales et sociales de chaque pays membre à tous ceux qui y travaillent, qu’ils soient détachés ou non.

L’objectif est de créer un salaire minimum dans chaque pays pour aller à terme vers une convergence à l’échelon européen afin de réduire le dumping social entre ces pays.

Il en est de même pour la convergence fiscale qui doit faire l’objet d’une harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés (IS). Elle devra s’appliquer aux grandes entreprises étrangères et en particulier aux GAFAM afin d’éviter le dumping fiscal qui pénalise aujourd’hui certains territoires au profit d’autres, entraînant ainsi des pertes de ressources pour les budgets nationaux.

Le soutien aux revenus des agriculteurs et pêcheurs européens qui a été l’élément principal de la PAC aux cours des années passées n’est plus suffisant. Donnons aux agriculteurs les moyens de meilleures pratiques écologiques et repositionnons les productions sur les marchés les plus porteurs du point de vue des nouvelles habitudes des consommateurs nationaux. Il faut aussi veiller à répartir les aides aux producteurs et à leurs groupements de façon plus juste entre les territoires et à l’intérieur de ceux-ci, en favorisant notamment « les circuits courts ». Nous proposons que les Régions, qui financent déjà de façon significative l’investissement agricole, assurent directement la gestion, la certification et le paiement des fonds européens agricoles des 1er et 2ème piliers.

CONCLUSION

Pour que les élections européennes ne se résument pas à l’expression de peurs accumulées, ne cristallisent tous les maux de nos sociétés et pour éviter que le prochain scrutin ne débouche sur un « hiver européen », il nous appartient de rappeler ce que l’Europe fait déjà mais surtout de dire à nos concitoyens ce qu’elle est déterminée à faire au cours des prochaines législatures. Moins de discours et beaucoup plus d’actions concrètes.

Les mesures proposées dans cette motion nécessitent pour leur mise en œuvre un surcroît de volonté politique de la part des États membres qui en partagent les orientations avec les citoyens.

Certaines d’entre elles pourront s’appuyer sur les dispositifs communautaires existants en recourant si nécessaire aux procédures (coopération renforcée ou coopération structurée permanente) qui permettent de progresser sans attendre l’implication de la totalité des États membres.

Mais les traités actuels ne couvrent pas tous les champs d’intervention qu’appellent les défis nouveaux auxquels les citoyens de l’Europe sont aujourd’hui confrontés.

Proposons donc, une approche concertée avec les pays qui partagent la même volonté d’action pour que l’Europe se dote de politiques publiques touchant sa cohésion interne, sa sécurité intérieure ainsi que sa capacité à réagir aux offensives des autres grandes puissances cherchant à s’approprier certains de ses secteurs d’activité. Cela peut passer par des accords intergouvernementaux qui resteraient ouverts aux pays qui n’y adhèreraient pas au départ voire, en cas d’adhésion suffisamment élargie, par la proposition d’un traité qui, sans remettre en cause l’acquis, complèterait ou amenderait les traités existants.

C’est cette vision volontariste et ambitieuse qui suppose un engagement résolu dans la voie de l’Europe politique que notre Mouvement propose dans la perspective de la prochaine législature. Ces cinq prochaines années seront en effet décisives pour la sauvegarde de notre avenir commun.

Paris, le 25 novembre 2018

Témoignages

L'Europe économique est un bon début mais n'est pas suffisant pour un grand nombre d'électeurs. Il faut maintenant que nos représentants s'attèlent à créer l'Europe qui rassure, l'Europe qui protège, l'Europe qui partage. Nous avons donc encore un long chemin pour assurer la survie de nos valeurs et de notre culture judéo-chrétienne.

Hervénitus - Sceaux

Albert Einstein

Les Etats-Unis d'Amérique forment un pays qui est passé directement de la barbarie à la décadence, sans jamais avoir connu la civilisation.

Parlons ensemble Europe

La ville de Sceaux a organisé mardi 16 octobre un débat dans le cadre du dispositif national des « Consultations citoyennes sur l’Europe » lancé en avril 2018 par le président de la République. Une soirée à la faculté Jean Monnet riche d’échanges qui a permis à plusieurs centaines de Scéens, grâce à la consultation «Parlons ensemble de l’Europe à Sceaux » de s’exprimer sur leurs attentes, de soumettre des propositions et de donner leurs opinions
sur la perception qu’ils ont de l’Europe notamment sur le développement économique, le changement climatique, la révolution numérique, la crise migratoire, etc. Les résultats de cette large réflexion menée à Sceaux vont être agrégés à l’échelle nationale et européenne suite aux centaines de consultations organisées en France et en Europe

Brexit : un presque “deal” sur la table


15 novembre, par Laura Mercier, Louise Guillot

Theresa May est parvenue à convaincre son cabinet de soutenir le projet d’accord sur le Brexit ce mercredi 14 novembre.

Ce jeudi 14 novembre, le cabinet de Theresa May a finalement approuvé le projet d’accord de retrait de l’Union européenne, trouvé la veille à Bruxelles. La Première ministre a déclaré : “Le projet d’accord de retrait est le meilleur qui aurait pu être négocié. [...] Ce projet d’accord est fermement dans l’intérêt national [...], il protège les emplois et l’union.” Mais le plus dur reste à venir pour Theresa May, qui doit maintenant soumettre au vote et faire accepter cet accord par le Parlement britannique.

Depuis le référendum du 23 juin 2016, le Brexit a fait l’objet de nombreuses spéculations. De la frontière irlandaise, au marché unique, sans oublier les droits des citoyens européens et la contribution financière du pays à l’UE : autant de sujets majeurs qui ont été débattus et négociés entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, laissant planer le doute entre un Hard Brexit et un Soft Brexit.

Alors que retenir de ce projet d’accord ? Que le droit de l’Union européenne continuera à s’appliquer au Royaume-Uni et aux citoyens britanniques pendant la période de transition, et que c’est à l’issue de celle-ci que des changements significatifs auront lieu. Nous n’avons encore que peu d’information sur ces changements qui seront en grande majorité définis dans un autre accord, celui sur la future relation entre l’UE et le Royaume-Uni. Les 585 pages qui composent ce document concernent uniquement les conditions du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et ne définissent donc pas la future relation qui sera entretenue entre les deux parties. Cet accord a pour vocation d’être appliqué dès son entrée en vigueur, le 30 mars 2019 et ce jusqu’à la fin de la période de transition de deux ans. La suite, reste à négocier... Les droits des citoyens européens et britanniques sont-ils préservés ?

Cette question a soulevé beaucoup d’inquiétudes à l’annonce du Brexit. Les citoyens européens résidant au Royaume-Uni et les citoyens britanniques vivant dans un Etat membre pourront-ils rester ou perdront-ils leur droit de résidence ? La réponse est non, ils ne seront pas forcés de déménager à cause du Brexit. Si un citoyen européen ou britannique a obtenu un droit de résidence permanente, il conserve ce droit après la fin de la période de transition. Pour ce qui concerne les droits des travailleurs et la sécurité sociale, les citoyens continueront d’avoir accès aux soins de santé et à leurs retraites, et pourront toujours être salariés ou développer une activité d’auto-entrepreneur. A la fin de la période de transition toutefois, ils devront se conformer aux conditions de résidence du pays dans lequel ils résident et leur situation pourra peut-être évoluer.

La liberté de circulation des personnes sera également préservée pendant la période de transition. Cela signifie que les citoyens de l’UE et du Royaume-Uni auront le droit d’entrer et de sortir de l’État dans lequel ils résident sans avoir à demander de visa ou de formalité administrative équivalente. Ils peuvent ainsi continuer à voyager en utilisant seulement leur carte d’identité ou leur passeport. Néanmoins, cinq ans après la fin de la période de transition, les Etats membres de l’UE et le Royaume-Uni se réservent le droit de ne plus accepter que les citoyens britanniques et de l’Union respectivement, voyageant uniquement avec leur carte d’identité.

Notons tout de même que les citoyens britanniques vont, de fait à la fin de la période de transition, perdre les droits liés à la citoyenneté européenne (même s’ils continuent à résider au sein de l’Union) puisque leur pays ne sera plus membre de l’UE. La citoyenneté européenne est liée à la citoyenneté des Etats membres, donc seuls les citoyens d’un Etat membre de l’Union peuvent obtenir la citoyenneté européenne et les droits qui y sont associés. Par exemple, un national britannique vivant en France ne pourra plus se présenter ou voter aux élections municipales de sa commune, sauf si les conditions de résidence permanente en France le stipulent autrement. Circulez, circulez, il n’y a rien à voir

La libre circulation des biens est préservée pendant la période de transition, c’est-à-dire qu’un bien qui est placé légalement sur le marché européen ou britannique pourra continuer de circuler entre les deux marchés sans contrainte. Les règles actuelles du marché intérieur continuent de s’appliquer, cela inclut les règles concernant les modalités de vente, les droits de propriété intellectuelle, les procédures douanières, les taxes et les droits de douane. En revanche, la question de la libre circulation des services n’est pas abordée dans l’accord de retrait. Cela signifie qu’il n’y a pour le moment rien de spécifique concernant les services financiers qui font la fortune de la City à Londres. Nous pouvons donc supposer que les règles en vigueur aujourd’hui dans l’Union continueront de s’appliquer jusqu’à la fin de la période de transition… Irlande : le statu quo jusqu’en 2020

Un Protocole sur la question irlandaise a été annexé à l’accord de retrait. Ce protocole engage le Royaume-Uni et l’Union européenne à conclure un accord s’agissant de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, avant la fin de la période de transition (fin 2020). Si aucune solution n’est trouvée pour éviter le rétablissement d’une frontière physique sur l’île irlandaise, les mesures prévues dans ce protocole seront appliquées. On parlait jusqu’à présent de backstop ou “filet de sécurité” pour faire référence à cet ensemble de mesures qui seront mises en place en cas d’absence d’accord et appliquées tant qu’aucune autre solution ne serait trouvée.

Le Protocole rappelle les principes de l’Accord du Vendredi Saint du 10 avril 1998 et la nécessité de veiller au respect de cet accord au nom de la paix et de la stabilité sur l’île irlandaise. Dans cette perspective, le protocole prévoit le maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière, résolvant ainsi la question des droits de douane entre l’UE et le Royaume-Uni. Ce dernier devra ainsi appliquer les mêmes conditions douanières que l’Union européenne. De plus, le Protocole prévoit l’alignement réglementaire de l’Irlande du Nord pour le marché des biens. Cet arrangement douanier est vivement critiqué par Nicola Sturgeon (cheffe du SNP, Parti national écossais) pour qui l’accord favoriserait l’Irlande du Nord et aurait un impact significativement négatif pour les investissements et l’emploi en Ecosse. Cet alignement réglementaire de l’Irlande du Nord pour le marché des biens introduira des contrôles réglementaires entre l’Irlande du Nord et les trois autres nations du Royaume-Uni, une mesure également critiquée par les Unionistes nord-irlandais.

Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar estime que ce projet d’accord satisfait les objectifs de l’Irlande tout en espérant qu’un accord durable pourra être trouvé afin d’éviter le rétablissement d’une frontière entre son pays et l’Irlande du Nord. En attendant 2021 : quel statut pour le Royaume-Uni ?

Si cet accord entre en vigueur le 30 mars 2019, le Royaume-Uni entrera dans la période de transition de son retrait de l’Union européenne, effective jusqu’au 31 décembre 2020. Cette période de transition pourrait être étendue sur demande de l’UE ou du Royaume-Uni (l’extension devra être décidée avant le 1er juillet 2020).

Pendant cette période de transition, quel sera le statut du Royaume-Uni vis-à-vis et au sein de l’UE ? Selon le projet d’accord, le Parlement de Westminster ne sera plus considéré comme un “Parlement national” tel que désigné par les traités européens, et n’exercera donc plus les devoirs et obligations associés à ce statut (comme la vérification du respect du principe de subsidiarité des législations européennes), tout comme il ne jouira plus des droits associés. Le pays sera privé des droits institutionnels qui sont conférés aux Etats membres de l’UE : il n’aura plus le droit de soumettre des propositions, initiatives ou d’adresser des demandes aux institutions européennes. Quant aux nombreux experts et représentants britanniques présents dans les institutions européennes, ces derniers ne pourront plus assister aux réunions à moins d’avoir une autorisation exceptionnelle, lorsque la réunion concerne l’application de l’accord de retrait ou l’application du droit de l’UE au Royaume-Uni. En toute logique, ils perdent également leur droit de vote.

Mais pendant cette période de transition, le Royaume-Uni n’aura pas les mains liées : le pays a le droit de négocier, de signer et de ratifier des accords internationaux, et ce dans les domaines où l’UE a une compétence exclusive (politique commerciale, politique de pêche, politique monétaire, concurrence…). En revanche, ces accords ne pourront pas entrer en vigueur ou être appliqués pendant la période de transition, afin d’éviter que des dispositions de ces nouveaux accords entrent en contradiction avec le droit de l’Union européenne qui sera la règle pendant la période de transition.

Le Royaume-Uni sera également exclu de toute initiative de coopération renforcée [1] initiée après le 31 mars 2019, et exclu d’une coopération renforcée dont aucune mesure n’aurait été entreprise avant cette même date.

Le pays devra néanmoins s’acquitter de sa part dans le budget de l’UE jusqu’à la fin du cadre financier pluriannuel en cours, qui s’étend jusqu’à la fin de l’année 2020, et participer à la mise en oeuvre de ce dernier au même titre que les autres Etats membres.

Finalement, à partir de 2021, le Royaume-Uni sera considéré comme un pays tiers dans la mise en oeuvre des programmes et des activités de l’Union européenne. Le Royaume-Uni reste soumis à la juridiction de la Cour de Justice

Jusqu’à la fin de la période de transition, le Royaume-Uni sera soumis à la juridiction de la Cour de Justice de l’Union européenne et devra par conséquent appliquer les jugements rendus qui le concernent. Les juges britanniques, en tant que juges communautaires et premiers gardiens de l’application et du respect du droit de l’Union européenne, pourront continuer à effectuer un renvoi préjudiciel, c’est-à-dire à saisir la Cour de Justice de l’Union européenne en cas de doute quant à l’interprétation ou l’application du droit de l’Union, jusqu’à la fin de la période de transition.

L’article 87 de l’accord ne passe évidemment pas inaperçu, même au bout de 140 pages : celui-ci prévoit que si la Commission européenne considère que le Royaume-Uni n’a pas respecté les obligations qui lui sont conférées par les traités européens ou l’accord de retrait, avant la fin de la période de transition, elle peut effectuer un recours devant la Cour de Justice de l’UE jusqu’à quatre ans après la fin de la période de transition. Et la décision rendue par la Cour de justice sera obligatoire. Le vote du Parlement très attendu

Ce projet d’accord doit à présent être approuvé par le Parlement du Royaume-Uni, où Theresa May ne dispose que d’une courte majorité. Deux scénarios se dessinent : si les députés britanniques approuvent l’accord, celui-ci devrait entrer en vigueur le 30 mars 2019 et engagera le Royaume-Uni dans la période de transition. En revanche, si les députés rejettent l’accord, la situation pourrait vite devenir chaotique Outre-manche : le mois de mars approchant, le délai pour trouver un accord sera de plus en plus restreint, de nouvelles élections pourraient être convoquées, voire un second référendum. En résumé, Theresa May doit désormais convaincre son propre parti, le DUP (Parti unioniste démocrate) d’Irlande du Nord et le reste des députés britanniques, avant un vote crucial le mois prochain.

À propos des auteurs :
Laura Mercier
Rédactrice en chef du Taurillon.
Mail : jef.lauramercier@gmail.com
Twitter : @LauraMrcx
Louise Guillot
Co-rédactrice en chef du Taurillon. Etudiante au Collège d’Europe (Bruges) au sein du Département d’Etudes politiques et gouvernance européennes.
Twitter : @l_guillot